mardi 25 mai 2010

Revolver LEFAUCHEUX

3. REVOLVER "Lefaucheux"

REVOLVER A BROCHE LIEGEOIS TYPE LEFAUCHEUX


IDENTIFICATION

- Revolver de poche à broche type Lefaucheux 3è type, calibre 5 mm, 6 coups, détente repliable.

- Fabrication liégeoise, fin de production, finition luxe

- Plaquettes de crosse en ébène sculptée (Pas, ciselure machinale

- Gravures manuelles à motifs floraux et rinceaux sur tout le revolver

- Aucune marque apparente de fabricant

- Poinçon ELG dans un ovale couronné sur le barillet, poinçon de contrôle B étoilé, poinçon de contrôle du rayurage R couronné sur le côté droit de la chambre

- Poinçon de contrôle B étoilé sur la carcasse côté droit, sous le barillet.

- Mention "1896" écrite manuellement au crayon sur la face intérieure de la plaquette droite

- Datation approximative: 1896 (???)

EXAMEN APPROFONDI ET DIAGNOSTIC

- L'arme a vraisemblablement été nickelée ou argentée tardivement, par électrolyse et sans démontage autre que les plaquettes de crosse

- Placage nickel ou argent presque totalement disparu

- Vis axes du chien et de la détente soudées par le placage et la rouille

- Vis de la plaque de recouvrement détruite, moignon restant soudé par la rouille et le placage.

- Vis de fixation de portière de chargement manquante

- Ressort du doigt élévateur cassé

- Légers piquetages ici et là

- Ressort de rappel de détente manquant

- Ressort principal présent mais cassé. Il est également nickelé et a donc dû être rendu cassant par l'électrolyse

Ce revolver a visiblement subi un placage, vraisemblablement au nickel, à une époque relativement récente. Le travail a été très mal fait, car on n'a pas pris la peine de démonter autre chose que les plaquettes de crosse. Le placage se retrouve en effet partout, même sur le ressort principal et sa vis de fixation. C'est dommage, car ce petit revolver était à l'origine fort bien fait, ce qui est étonnant pour une fin de production. Son fabricant a choisi l'ancien système de chien à chaînette et de ressort droit à fourche, qui donne une détente beaucoup plus moelleuse que les ressorts en S trouvés dans les armes de fin de période. Cette disposition est cependant beaucoup plus chère à produire, les pièces étant plus nombreuses et plus élaborées.

Le barillet présente lui aussi les crans de blocage en couronne des anciennes productions, au lieu des orifices rectangulaires plus tardifs.

Mal fait au départ, le placage a disparu presque entièrement de l'arme. Ce mauvais travail a cependant eu au moins un avantage, celui d'avoir plus ou moins protégé l'arme de la rouille.

L'électrolyse n'est pas de mise ici, il va falloir travailler à la main en douceur. Un poli miroir est également proscrit, les gravures en souffriraient trop. On oublie souvent qu'une fois gravée, une pièce n'est jamais repolie. Le polissage se fait avant la gravure, et l'artiste n'a pas droit à l'erreur. En fin de travail, il passe simplement sur le dessin un bloc de plomb, destiné à enlever les petits copeaux restés accrochés.

OPERATIONS A EFFECTUER

- Grattage de la rouille et des restes de placage

- Réduction maximale des piquetages

- Polissage aux endroits possibles

- Remplacement du ressort de rappel de détente

- Remplacement du ressort principal

- Réglage de la marche

DEMONTAGE

Le canon, le barillet et son axe se démontent facilement, ainsi que le ressort principal cassé. Par contre, les vis du chien, de la détente et de la petite plaque de recouvrement ne veulent rien entendre.

La "plaque de recouvrement" est une petite pièce plate située sur la carcasse derrière la détente, et maintenue par une vis qui peut être soit centrale soit placée sur le côté droit de la pièce. Cette plaque est présente sur tous les revolvers à détente repliable. En règle générale, ses bords sont taillés en queue d'aronde et elle coulisse en place de droite à gauche. Cette plaque referme l'ouverture de montage de la détente et est importante parce qu'elle limite la course de retour de la détente et celle du levier de rebondissement sur les Bulldog.

Sur les revolvers à détente fixe, c'est la partie arrière du pontet qui joue ce rôle.

Les vis sont visiblement collées à la carcasse par la rouille et le placage, et un bain de pétrole ne serait ici d'aucune utilité. Une chauffe non plus. Je tente d'abord un léger tapotage avec un marteau et un chasse-goupille, mais rien à faire.

Il me faut donc forer les trois vis, ce qui bien entendu va les détruire.

Je procède comme expliqué dans un précédent chapitre, en marquant d'abord la pointe de la vis avec une pointe puis en forant prudemment avec une mèche de diamètre plus petit que la vis. En profondeur je ne dépasse pas l'épaisseur de la première paroi de l'arme, pour ne pas risquer de ripper et d'agrandir le trou de passage de la vis dans la pièce mobile qu'elle tient. Ensuite j'enfonce un chasse-goupille dans le trou et je tapote légèrement avec mon marteau. Et voilà, les vis se décollent et peuvent être enlevées. Trois vis à refaire...

Note

***Je ne fore jamais la tête de la vis, parce que dans beaucoup de cas ces vis ont une tête plate qui est noyée dans la carcasse mais qui repose sur un épaulement pratiqué dans le trou. Un forage de ce côté avec une mèche plus fine n'aurait pas d'effet, parce que c'est en général sur l'épaulement que se fixe la rouille qui colle la tête de la vis. De plus, on risquerait de détruire cet épaulement si on utilise une mèche plus grosse. Et enfin, la pointe de la vis serait toujours vissée dans le trou opposé, et ne pourrait donc plus être dévissée.

Il vaut donc mieux forer par la pointe au risque de détruire le pas de vis dans la carcasse. ***

Je démonte d'abord le chien, puis la plaque de recouvrement. Cette dernière coulisse assez facilement en la frappant légèrement du côté gauche avec le manche du marteau.

Ensuite je peux démonter le bloc détente et constater, comme prévu, que le petit ressort de maintien du doigt élévateur a disparu.

Nous verrons plus loin comment refaire facilement un ressort neuf.

Ai-je déjà dit qu'il est préférable, au démontage, de disposer d'une boîte dans laquelle on peut placer les pièces d'une arme, afin de ne pas les perdre ? Ce n'est en effet jamais agréable de se balader à quatre pattes avec un aimant pour récupérer une petite vis tombée par terre, se cogner la tête en se relevant et finalement constater que la vis qu'on a récupérée provient en fait d'une autre arme qu'on avait réparée trois semaines auparavant...

NETTOYAGE PROFOND

L'arme entièrement démontée, je décide de commencer par le nettoyage et la réduction du piquetage.

Afin de ne pas abîmer les gravures, j'utilise pour ce faire un tampon de laine de fer imbibé de pétrole ou de diluant pour peinture. (L'essence convient tout aussi bien).

En frottant longuement et sans forcer, on parvient à décoller la crasse accumulée dans les creux de la gravure. Les petites taches de rouille peuvent presque toujours s'enlever de la même façon si on les asperge d'un peu d'huile pénétrante qu'on laisse agir quelques minutes. Au besoin il faut répéter l'opération.

On peut également utiliser une brosse métallique à main, pour autant qu'elle soit composée de fils de cuivre fins et souples. Le cuivre, moins dur que l'acier, ne fera pas de griffes dans celui-ci.

Se rappeler de ne pas utiliser d'appareillage électrique genre Dremel.

Le nettoyage en douceur a atténué les taches et rafraîchi les dessins de la gravure, mais il est bien évident que je ne pourrai pas vraiment parler de "remise à neuf".

Le piquetage du canon, par exemple, est trop profond, de sorte que si je tente de le supprimer à la lime, je risque de passer au travers du métal. Il me faut aussi tenir compte des marquages et de la gravure sur le dessus. Il faut se rendre à l'évidence: l'arme restera à jamais endommagée.

Je vais cependant tenter de la rendre la plus présentable que possible, et surtout effacer toutes mes traces d'outils.

Note

*** J'ai déjà dit qu'une pièce piquetée mais propre et entière vaut toujours mieux qu'une pièce dont les pièces sont altérées par un limage ou un ponçage trop profond. Une lime enlève de la matière, elle n'en rajoute pas.

J'ai dit aussi que pour avoir toute sa valeur, une arme civile doit être dans un état original aussi proche du neuf que possible. Nous avons ici une petite arme civile, n'ayant probablement jamais servi, et qui comme des milliers d'autres a perdu une grande partie de sa valeur parce qu'elle a passé une éternité dans un local humide et n'a eu en fait d'entretien qu'un mauvais placage. C'est regrettable, mais en restant optimiste on peut se dire que sa valeur actuelle aura décuplé dans un siècle ou deux...***

Toutes les pièces ayant été aussi bien nettoyées que possible, je peux passer à la réfection des vis et des ressorts.

LES VIS

Il m'en faut trois, ainsi qu'une goupille pour la portière de chargement. J'ai expliqué comment je fabrique ces pièces à partir d'un clou ou d'un fil de fer, c'est simple comme bonjour. Pour la portière de chargement, une goupille peut suffire, et en ce qui concerne la petite vis courte de la plaque de recouvrement, j'en ai trouvé une qui convient dans ma réserve de vis d'horlogerie. Sur ces armes, cette petite vis n'est pas d'un modèle fixe; une vis quelconque à tête plate et à fente convient donc parfaitement. Il en va de même pour la portière de chargement.

RESSORT DE MAINTIEN DU DOIGT ELEVATEUR

C'est le ressort le plus facile à fabriquer, parce qu'il ne demande qu'une coupe à mesure. J'ai dans ma réserve quelques ressorts en spirale de différents calibres, provenant de vieux réveils et achetés pour deux sous dans une brocante. Ces ressorts sont de bonne qualité et conviennent parfaitement pour ce travail. Il me suffit de découper, avec des ciseaux forts, une petite bande d'environ 1,5 mm de large et de 1,5 cm de long, que je plie doucement en forme de boucle ouverte.

Pas besoin de trempe ni de retour, le ressort est suffisamment fort pour le travail auquel il est destiné: maintenir le doigt élévateur incliné vers l'avant dans son canal quelle que soit la position du revolver.

La mise en place, par contre, est plus délicate. Le ressort est normalement serré dans une fente pratiquée à la scie dans le bas du doigt élévateur. Avec la pointe d'un petit tournevis et de légers coups de marteau, j'écarte les lèvres de cette fente et j'extrais le moignon restant du ressort original. Il faut faire très attention à ne pas casser le doigt à cet endroit, car il faudrait refaire toute la pièce. Je place ensuite mon nouveau ressort dans la fente, que je resserre ensuite prudemment à la pince. Et voilà.

Pour une fixation plus sûre, j'ai l'habitude d'introduire une goutte de vernis dans la fente avant d'y placer mon ressort neuf. Le vernis va durcir et renforcer le tout, et ne risque pas de se détacher comme pourrait le faire une colle sous l'action, par exemple, d'un peu d'huile.

Le ressort doit être un rien plus court que le doigt, et s'en écarter un peu. Il est destiné à s'appuyer sur la paroi oblique arrière du canal dans lequel coulisse le doigt.

Attention: il ne peut en aucun cas être plus large que le doigt, car il accrocherait le chien ou le bec de gâchette.

RESSORT DE RAPPEL DE DETENTE

Comme dans le cas précédent, il s'agit ici aussi d'un ressort en V logé horizontalement dans une cuvette pratiquée dans le bas de la carcasse. Ce ressort doit répondre exactement aux mêmes critères en ce qui concerne ses dimensions, sa position et surtout son épaisseur. Je rappelle que c'est cette dernière qui détermine la bonne marche du mécanisme, avant toute autre chose.

La profondeur de la cuvette m'a conduit cette fois-ci à fabriquer un ressort ayant un pli moins prononcé que le précédent. Les revolvers liégeois de cette époque étant tous fabriqués à 80 % à la main, obligent toujours à ce genre d'ajustages. Il n'existe pas deux exemplaires identiques, même s'ils sont fabriqués par le même artisan. Les pièces ne sont JAMAIS interchangeables, il faut toujours soit les refaire soit les ajuster.

Mon ressort ajusté et trempé, je l'installe en place et teste la détente. Ca a l'air bon.

RESSORT PRINCIPAL

Ici nous avons un élément nouveau. Non plus un ressort plat plié en V, mais une pièce plate, légèrement courbe, qui s'amincit en largeur et en épaisseur vers le haut, et qui se termine par deux dents formant fourche. Ces deux dents ont une forme toute particulière, destinée à enclencher la petite pièce mobile en T qui se trouve à l'arrière du chien, et qu'on appelle la "chaînette".

Le bas de ce ressort est plat et percé d'un trou pour le passage de la vis de fixation, tandis qu'au-dessus de cette portion la partie avant du corps du ressort accuse un profil arrondi. C'est beaucoup plus élaboré, mais j'ai la chance d'avoir le ressort cassé qui me servira de modèle.

Je commence par couper un morceau à la longueur et à la largeur du ressort original, mais en prenant soin de couper une des extrémités en forme de T (voir photos).

Ensuite je chauffe légèrement le T, dont je replie les deux branches à angle droit vers ce qui deviendra l'avant de mon ressort.

Dans la partie médiane du carré ainsi formé, et du côté arrière de mon futur ressort, je pratique une coupe ronde à l'aide d'une lime cylindrique d'environ 3 mm d'épaisseur

Ensuite je découpe à la scie la petite partie supérieure du carré, de manière à former mes deux dents.

Voilà, il ne reste plus qu'à les ajuster à la lime à la taille de celles du ressort original.

Je vais maintenant forer le trou de passage de la vis de fixation dans le bas du ressort.

Un trou provoque toujours un affaiblissement de la pièce. Il est donc important qu'il soit le plus petit possible, juste assez grand pour laisser passage à la vis. Je vérifie aussi qu'il repose parfaitement sur la partie plate aménagée à cet effet dans le bâti de crosse, de manière à éviter tout porte-à-faux.

Il me faut maintenant amincir le ressort du pied vers la fourche, de manière régulière, ce que je fais bien sûr à la lime suisse. Je donne aussi un arrondi à sa partie avant. Ceci n'est pas indispensable, mais tant qu'on y est...

Une fois terminé, je pose mon ressort en place dans la crosse et lui donne une légère courbe, comme l'original. L'ayant fabriqué à l'identique, je ne devrais pas avoir de problème de ce côté.

Enfin, je le trempe dur et lui donne un revenu à l'huile, comme expliqué précédemment. Et pour parfaire le travail, avant de le monter en place je le polis. C'est plus beau, et cela se pratiquait au 19è siècle aussi. Certains ressorts étaient même gravés.

REGLAGE DE LA MARCHE

Comme toujours, je monte le mécanisme et je teste d'abord la simple action. Ca ne marche pas, je n'arrive pas assez loin. Je dois donc redémonter le tout et passer un coup de lime sur la branche supérieure du ressort de rappel de détente pour l'amincir, puis tout remonter.

Maintenant le cran accroche, mais c'est très dur et je risque la casse. Je ne peux par ailleurs plus amincir le ressort de rappel, car cela le rendrait trop faible ou trop fragile. Je vais donc corriger par le chien, en approfondissant le cran d'armé d'un ou deux coups de lime.

Maintenant tout va bien, ça fonctionne normalement. Dans le cas contraire, j'aurais donné cette fois un coup de lime sur la pointe du bec de gâchette. Régler la marche d'une arme n'est pas simple, c'est dans l'armurerie le métier de "l'ouvrier marcheur". L'amateur que je suis doit y aller à tâtons, et je suis content de savoir au moins qu'il ne faut pas donner tous les coups de lime à la même pièce.

Voilà, nous y sommes.

Je remonte le tout, je lubrifie un peu, et c'est fini.

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